HARRY POTTER 6: Nicolas Aithadi, Superviseur VFX chez MPC

Après plusieurs années dans le jeu vidéo (FINAL FANTASY X) et le cinéma français (VIDOCQ, ASTERIX & OBELIX: MISSION CLEOPATRE), Nicolas Aithadi tente l'aventure londonienne et se retrouve chez The Moving Picture Company à travailler sur des films tels que TROIE, ALEXANDRE ou encore CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE. Il travaille actuellement sur les prochains HARRY POTTER.

Quel est ton parcours ?
J'ai commencé dans le dessin traditionnel, quand j'étais plus jeune, je faisais de l'illustration pour Force Ouvrière Hebdo, etc... Je suis passé au numérique par le biais du CD-ROM interactif, pendant quelque temps, je faisais ceux de Science et Vie Micro.
Puis doucement en faisant des rencontres, je me suis mis à la publicité et au cinéma en 2000. En 2002, j'ai été contacté par The Moving Picture Company à Londres et j'y suis resté. J'ai commencé comme animateur en chef sur LE MEDAILLON, puis superviseur de séquence sur TROIE, superviseur CG sur ALEXANDRE et enfin arrive là où je voulais arriver: superviseur des effets visuels sur X-MEN 3.

Comment t'es tu retrouvé superviseur sur les Harry Potter ?
MPC a toujours été impliqué dans la série, donc statistiquement, il y avait de fortes chances que nos chemins se croisent.
Ma première expérience avec Harry Potter était sur "LA COUPE DE FEU" en temps que superviseur CG. J'apprécie le type d'effets que l'on crée pour la série, c'est toujours varié et souvent très difficile, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Après 10'000 de Roland Emmerich, on m'a proposé de faire "LE PRINCE DE SANG MELE" et j'ai accepté. Car j'avais très envie de revenir au monde de Potter.







Quasiment tous les studios londoniens travaillent sur les Harry Potter. Quelles sont les séquences faites chez MPC ?
Pour le dernier Potter, nous nous sommes occupé presque exclusivement des deux séquences de Quidditch. Ainsi que plusieurs autres effets à travers le film.

Peux-tu nous en dire un peu plus ?
Les autres effets sur lesquels nous avons travaillés sont le bonhomme de neige qui fait du patin à glace sur le gâteau chez les Weasley à Noël. Et le journal qui brûle au milieu de la pièce pendant la discussion entre Harry, Ron et Hermione.
Pas mal de plan du Hogwart Express. Mais comme je le disais tout à l'heure, ce n'était que des petits plans en général à part le grand plan du train sur lequel nous avons travaillés 6 mois. L'autre plan massif sur lequel nous avons travaillés pendant presque tous le projet est l'Apparating.
L'idée du plan est que Dumbledore et Harry utilisent ce moyen magique de se déplacer et leurs corps sont déformés et foncent l'un dans l'autre. Le gros problème de ce plan était de faire comprendre aux différentes personnes qui travaillaient dessus, le concept. C'était vraiment abstrait. Nous devions construire un Harry et un Dumbledore numériques qui pouvaient fonctionner à quelques centimètre de distance de la caméra. L'autre gros problème était de trouver une technique pour fondre les corps ensemble. Le temps était court donc nous avons décidés de le faire old school et de presque tout modéliser. Comme une espèce de dessins animes avec des modèles 3D. Les artistes ont modélisé les déformations toutes les cinq images.

Avez-vous beaucoup utilisé de doublures numériques pour la séquence du Quidditch ?
Quasiment tous les plans des deux séquences ont des doublures digitales. Le principe était que dès l'instant où les balais se déplacent dans l'espace, nous utilisions des personnages digitaux. Le plan de Ginny qui tourne sur elle-même au début de la séquence d'entrainement est entièrement digital, de l'environnement au personnage.
Nous avons fait un gros travail sur les shaders et l'animation faciale. Pour avoir des personnages digitaux les plus convainquant possible, nous avons utilisé la vidéo-grammètrie, c'est un système où les acteurs sont filmés avec 4 caméras, on en met deux devant les acteurs et une de chaque côté. Nous récupérons ces images et les traitons comme des textures animées. Nous avons également 60 marqueurs sur leurs visages avec lesquels nous capturons le mouvement. On se retrouve ainsi avec une animation faciale qui fonctionne parfaitement avec les textures.







Est-ce que vous avez utilisé des maquettes ?
Non, il n'y a aucune maquette dans les plans d'MPC. Ils ont utilisé des maquettes pour les plans de l'école, mais en règle générale, ce sont des décors naturel ou des extensions digitales.

Comment se passe une journée type sur Harry Potter ?
Pour moi, la journée deviens très vite une routine. Le matin, c'est la réunion de production où mon producteur des effets visuels, mon superviseur CG, mon superviseur 2D et moi-même nous nous réunissons et discutons des choses à faire dans la journée. Ensuite toute la journée, je regarde ce que l'on appelle des "dailies". Nous nous réunissons avec chaque département pour regarder le travail qui a été effectué le jour d'avant. Le but dans ces dailies est de faire passer les notes du client et de m'assurer que tout se déroule convenablement techniquement et artistiquement.







Quels étaient les challenges pour ce Harry Potter ?
Comme je le disais plus haut, le challenge a été les doublures digitales pour le Quidditch. Non seulement les visage devaient être parfait, mais nous avions également des cheveux à faire et énormément de simulation de vêtements. Ajoutez à cela tout l'environnement à faire en 3D, c'était assez intense. 100% des plans ont une partie en 3D et peut être 90% sont entièrement en 3D. Le but était de rendre la séquence beaucoup plus dynamique qu'elle ne l'était auparavant. Et pour réussir, la solution était d'utiliser beaucoup plus de 3D.

Quelle est la taille de ton équipe ?
Un peu moins d'une centaine. Environ 80 à 90 artistes.

Combien de plans avez fait ?
Nous nous sommes occupés de 250 plans au total. Pas énorme par rapport à ce que l'on fait chez MPC d'habitude, mais ces plans étaient très compliques.

Y a t'il eu de grands changements technique depuis le précédant Harry Potter ?
Nous avons beaucoup développé les personnages. Particulièrement pour l'animation faciale. Pas mal de travail a été effectué en ce qui concerne les shaders de peau. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur les effets naturels comme l'eau et le feu. MPC développe énormément d'outils propriétaires, nous avons notre propre outil de poil, "Furtility", qui a été développé sur 10'000 et mis à jour avec NARNIA et nous l'avons ensuite utilisé pour faire les cheveux des acteurs pour le Quidditch.

Combien de temps te prend un Harry Potter ?
En général, le projet dure une année. en comptant le tournage. C'est assez long, mais les projets sont souvent très complexe. Et les plans très différents les uns des autres, ce qui complique le tout.







As-tu rencontré des difficultés sur ce projet ?
Le plan qui nous a donné le plus de mal est celui dont je parlais plus haut: Ginny qui tourne sur elle-même. Nous avons travaillé sur ce plan pendant près de six mois à essayer de rendre Ginny le plus réaliste possible. On avait de bon résultats, mais quelque chose n'allait pas avec son visage. Nous avons réussi à la fin, mais ça a été un combat.
Le deuxième plan qui nous a donné du fil à retordre est le plan du train dans lequel la camera est à l'intérieur d'un wagon, passe par la fenêtre et rentre à nouveau dans le train mais un compartiment plus loin. Un plan de 3'000 images. Ce plan a été décidé le jour du tournage et est devenu un monstre.
Plus d'une cinquantaine de plan de Motion Control pour les acteurs et les figurants. La façade extérieure du train en 3D, l'environnement et les rails en 3D de même que les compartiments en 3D, plus une grenouille en chocolat et un Pygmy Puff, c'est une petite créature ressemblant à une boule de poils. Pour ce plan il a fallu également compter plus de six mois.

Quel est ton meilleur souvenir sur le film ?
Mon meilleur souvenir, il y en a eu beaucoup. Si je dois en choisir un, je dirais que c'était le jour où j'ai vu le premier plan du match de Quidditch dans lequel la balle vient vers la caméra et le gamin l'attrape. J'ai demandé à mon superviseur CG, Guillaume Rocheron, quand exactement nous allions remplacer l'acteur et il m'a répondu que c'est déjà le cas. J'ai remis le plan et en effet, il était en 3D, je n'avais pas remarqué le changement et c'était une sensation superbe. Le client n'a rien vu non plus le jour où je le lui ai montré.







Pourquoi as-tu quitté Paris pour aller à Londres ?
C'était juste après le 11 septembre, le marché était au plus bas en France et surtout j'ai toujours voulu faire du film et il n'y en a pas assez en France. Et souvent ce n'est pas très stimulant.
Donc mon chemin s'est fait naturellement vers Londres. C'est très près de Paris et on travaille sur de grosses productions d'Hollywood.

As-tu reçu des propositions de travail sur Paris depuis que tu es à Londres ?
Non, pas du tout. Ils ne doivent plus m'aimer (Rires).

Quels sont les 4 films qui t'on donné la passion du cinéma ?
Les 7 SAMOURAIS est toujours mon film préféré, Quand j'étais jeune, nous regardions pas mal de classique français ou américain.
Ce serait difficile de décider de tous les films que j'ai vu ceux qui on fait naître ma passion pour le cinema. Je dirais que j'aime le cinéma en général. Et j'adore des films aussi diffèrent les uns des autres que les 7 SAMOURAIS et LA FOLLE JOURNEE DE FERRIS BUELLER.

Merci pour ton temps.
C'était sympa de répondre à tes questions. Merci.

POUR EN SAVOIR PLUS:
- The Moving Picture Company: Page spéciale HARRY POTTER ET LE PRINCE DE SANG-MELE sur le site de MPC.

Vincent Frei - The Art of VFX - 2010