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[ITW] Marc Boulay, Senior Digital Sculptor

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[ITW] Marc Boulay, Senior Digital Sculptor Empty [ITW] Marc Boulay, Senior Digital Sculptor

Message par Amstudio Dim 8 Mai 2011 - 1:59

Marc Boulay est Senior Digital Sculptor et Paleo-Artist. Il utilise ZBrush, Vue xStream et Photoshop dans un cadre résolument scientifique. Interview d’un artiste particulier qui a su faire évoluer sa pratique grâce au fabuleux Zbrush avec lequel il crée ou recrée les animaux et les écosystèmes du passé, du présent et même à venir. Son utilisation d’un logiciel de modeling et de texturing est, quelque part, une machine à remonter le temps. Voyage aux confins de nos origines avec sa démo…



Quel a été votre parcours pour en arriver à cette spécialisation si pointue ?

Marc Boulay - J’ai arrêté ma scolarité très tôt. Ce que l’on m’y enseignait ne répondait pas à ce que j’attendais. L’école ou les écoles ne correspondant pas à mon caractère, j’ai dû apprendre seul. C’est un peu plus long et cela demande plus de travail. Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours vécu parmi les animaux et mes passions pour les sciences naturelles m’ont naturellement conduit à les dessiner et les sculpter. Je ne savais pas encore où tout ceci allait me mener, mais je sentais que je devais le faire. A force d’observer les animaux, on devient naturellement “instinctif”…

Après plusieurs années de recherches personnelles et de travail acharné, j’ai quitté la province pour travailler de 1985 à 1989 dans un atelier de sculpture à Paris. Et là, j’ai appris le métier de sculpteur. La publicité a été pour moi une très bonne école, que je pourrais résumer par ces quelques mots : exigence, efficacité, rapidité, des cafés et l’addition (rire)… Ensuite, ce fut le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, qui me permit la libre circulation parmi ses collections. Un atelier me fut confié. Je pouvais enfin collaborer avec des paléontologues. Mon rêve de gamin devenu réalité !

Pendant deux ans, j’ai œuvré avec les plus grands scientifiques sur des reconstitutions d’animaux préhistoriques. J’ai profité de ce contexte pour étudier l’anatomie comparée, la biomécanique et la paléontologie. C’est à partir de ce moment que ma vie de sculpteur animalier et d’anatomiste a commencé. Ces disciplines sont devenues mes outils pour exprimer ma passion et diffuser le fruit de mes observations pour le monde scientifique et pour le grand public. Grâce à la confiance que les scientifiques m’ont accordée, j’ai reconstitué des créatures préhistoriques pour des parcs et des muséums français et étrangers. Avant toute livraison, mes sculptures étaient mises en scène dans des décors réalisés en studio et photographiées par Andréas Caraisco. Les clichés étaient ensuite déposés en agence pour la presse et l’édition.

En 2004, après vingt ans de ce travail manuel, la sculpture traditionnelle commençait à me fatiguer physiquement. Ma santé déclinait gravement. C’est à ce moment que j’ai découvert la bande démo de ZBrush2, sur le coin d’une table de restaurant. Un logiciel de sculpture numérique organique. Un merveilleux outil de modélisation créé pour les sculpteurs par une bande de joyeux développeurs de chez Pixologic. Coup de foudre salvateur et véritable révélation ! J’ai alors totalement cessé la sculpture traditionnelle pour me former et travailler exclusivement avec ZBrush. Par la suite, j’ai testé pour Pixologic diverses versions bêta. Depuis, ce soft est devenu mon outil de sculpture me permettant de réaliser tout ce que je ne pouvais pas faire en mode opératoire traditionnel. Fini l’argile, les produits chimiques, la poussière et autres joyeuses gourmandises d’atelier… ZBrush m’a libéré de bien des contraintes que la matière m’imposait. Cela m’a offert une liberté artistique totale. Ma vie a radicalement changé. Maintenant, avec un puissant portable, je peux travailler n’importe où et bien plus vite. La sculpture traditionnelle ne me manque pas du tout…

Vous êtes un graphiste un peu à part, avec une orientation très scientifique pour vos rendus…

M. B. - Je ne suis absolument pas graphiste ou infographiste, ni dans l’âme, ni dans la logique ! Je suis un sculpteur qui a lâché le couteau et le compas pour le stylet et la tablette graphique. Mon parcours très spécialisé m’a tout naturellement orienté vers des réalisations scientifiques ou assimilées. Nous sommes peu sur le marché. Il faut faire preuve d’une humilité en béton face aux scientifiques. Et l’expérience m’a souvent montré que cet atout n’est pas systématiquement présent chez tous les artistes. Le travail de fond est très important et sans cesse renouvelé. Apprendre continuellement m’est devenu coutumier. Je crois même que j’en suis addict. Mais mon docteur m’a dit que je vais un peu mieux (rire).

Le paradoxe de ma spécialisation, c’est qu’on peut aussi me demander de « créer » un dragon imaginaire. Je livre alors la modélisation de la créature avec son setup, ses maps, son cycle de mouvements, sa biomécanique, sa vie, ses mœurs, son régime alimentaire et son mode de reproduction. Pour répondre à mon besoin constant d’apprendre, je passe beaucoup de temps à observer les animaux qui vivent dans mon home studio. J’ai des terrariums et des aquariums, des loupes binoculaires. Les stations graphiques côtoient les salamandres, les mygales, blattes, poissons, orchidées et autres plantes bizarres rapportés de pays lointains. Je fais également beaucoup de herping (randonnée herpétologique) et n’hésite pas à partir dans une région de France ou un pays précis pour observer l’animal ou la plante dont j’ai besoin pour mes sculptures et mes images.

J’entretiens d’excellentes relations avec les scientifiques. Au fil des ans, certains sont devenus des amis. Nos discussions donnent lieu à de nombreux échanges d’ordre scientifique et artistique. Parfois, les points de vue sont différents. Mais l’ensemble de ce travail collectif permet de découvrir les richesses que peut apporter une association entre artiste et scientifique. Une infinité de points de vue, de conseils et d’idées. Donc, une bonne recette pour muscler sa cervelle. Je travaille depuis plus d’une dizaine d’années avec le Dr Sébastien Steyer, paléontologue au CNRS. Ce scientifique sillonne la planète à la recherche de nouveaux animaux du Permien et du Trias (250 million d’années), une période qui se place bien avant celle des dinosaures. Lorsqu’il trouve des éléments fossiles, je suis le premier à en faire la reconstruction pour ses articles scientifiques et ceux destinés à la presse.

Vous travaillez donc à partir d’éléments paléontologiques ?

M. B. - Le plus souvent, je reconstruis des animaux d’avant l’ère des dinosaures et la plupart ne l’ont jamais été, ce qui rend le travail bien plus intéressant. Mes sculptures sont continuellement soumises aux critiques et corrections des scientifiques, jusqu’à la validation finale. J’aime énormément travailler avec eux. Ces collaborations sont toujours des expériences enrichissantes. Je pense que plus on a des connaissances de base, comme l’anatomie comparée et les sciences naturelles en général, plus on est libre de penser, de synthétiser et de « créer » un imaginaire cohérent. Le travail d’un Paléo-Artiste peut être quelque peu comparé à celui d’un Profiler : à partir d’un ou de quelques éléments fossiles, je reconstitue l’animal dans son entier et le mets en scène dans son biotope.

Comme point de départ, les scientifiques me fournissent des moulages de fossiles, parfois des originaux, des dessins au trait, des photos, etc. Ensuite viennent les discussions afin de comparer à quel créature aujourd’hui existante nous pourrions l’associer. Lorsque nous avons identifié l’animal actuel proche de celui fossilisé, je me concentre sur l’étude et l’observation du cousin contemporain. A l’occasion, je pars en fouilles ou en mission paléontologique en France ou à l’étranger avec les paléontologues. Bien souvent, je n’ai que quelques éléments fossiles fragmentaires et mon travail ne peut se faire que dans un environnement autistique. J’observe alors les animaux in vitro et in situ et je compare les ossements fossiles avec les actuelles ossatures. Puis, j’essaie d’imaginer la créature dans son milieu. Par exemple remonter le temps jusqu’au Permien : soit 250 millions d’années.

A ce stade de la reconstruction, seuls les scientifiques peuvent communiquer avec moi. Et j’ai besoin de leurs connaissances spécifiques. Sans eux, mon travail aurait peu de crédit. Après ces études préliminaires qui représentent environ 80% de mon temps de travail, je commence la reconstruction par un Zrough ou Zsketch, c’est-à-dire une étude 3D modélisée avec ZBrush. A cette étape, il y a encore beaucoup de discussions, d’échanges d’idées, de corrections, de contre-propositions argumentées. Puis l’animal finit par renaître du passé. Lorsque nous sommes satisfaits de cette étude, je commence la modélisation définitive, mais toujours sujette à corrections.

Il y a deux types de modélisations. Le travail pour une illustration n’est pas le même que celui fourni pour de l’animation. J’opère donc seul ou avec une équipe de techniciens et d’animateurs désignés par les productions. J’insiste pour superviser les animations, parce que je connais la biomécanique et l’anatomie des animaux que j’ai étudiés et modélisés. C’est pourquoi aujourd’hui, par souci d’exactitude, j’ai constitué à Montpellier une équipe de techniciens et d’animateurs très compétents. Ils connaissent mes exigences, mon caractère et mon souci des détails. Nous proposons des animaux avec toutes les maps, setup et cycles d’animations complets et prêts à l’emploi. Une reconstitution scientifique d’un nouvel animal fossile pour une parution spécialisée peut parfois prendre plusieurs mois. J’en ai toujours une ou deux sous le coude, au cas où je n’aurai plus rien à faire. Alors que la modélisation d’un animal connu, comme un T-rex par exemple, ne prend que quelques jours…

Quel a été le projet le plus passionnant pour vous ?

M. B. - Mon travail et ma vie ne font qu’un. Mon métier EST ma passion. Tous les projets sur lesquels j’ai travaillé m’ont enthousiasmé. Et ceux pour lesquels je garde de moins bons souvenirs sont des productions sur lesquelles on me doit encore de l’argent. Ceci dit, à part les reconstructions paléontologiques et l’écriture du livre « Demain, Les Animaux du Futur », j’ai beaucoup aimé travailler sur des films en relief. J’ai commencé en 1995 chez Ex Machina. Et depuis, mes modélisations peuvent être vues dans des films dynamiques 5D relief, dans des documentaires fiction en Imax également en relief, ainsi que divers réalisations en Alioscopie (relief sans lunette). Les nouvelles technologies m’intéressent énormément. Aujourd’hui, j’oriente ma curiosité vers la « réalité augmentée » et l’impression 3D. Le travail de fond reste le même : recherche, observation, compréhension.

Vous travaillez sur quoi actuellement ?

M. B. - Je collabore avec le Dr Sébastien Steyer sur la reconstruction d’un animal du permien : « Loasuchus », une bestiole de deux mètres qui se situe morphologiquement entre la salamandre et le crocodile. Le crâne fossile a été trouvé au Nord du Laos lors d’une mission paléontologique internationale pour le National Geographic et le CNRS. Je faisais partie de cette expédition et je suis très content d’y avoir participé. J’ai un moulage du crâne original sur mon bureau et je suis excité du résultat qui va en découler dans quelques mois.

Avec le Dr Sébastien Steyer, je suis à l’écriture d’un livre illustré : « Demain les Animaux du Futur » (éditions Belin). La publication est prévue pour le début 2012. Cette parution présente une idée de la vie sur Terre dans dix millions d’années par des modélisations d’animaux et d’écosystèmes. A l’heure des grands débats sur la biodiversité en crise, l’ouvrage se situe entre Art et Science. Il s’adresse à tous ceux qui se préoccupent du devenir de notre planète. Car au delà de l’émerveillement procuré par l’esthétique et la véracité des illustrations, « Demain les Animaux du Futur » invite également à la réflexion et à la prise de conscience de cette évolution biologique en marche depuis des milliards d’années.

Un documentaire fiction adapté de « Demain les Animaux du Futur » est également à l’étude. Je travaille aussi sur plusieurs projets en « réalité augmentée ». Passionnant ! Mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant. Et pour finir, un séjour avec un billet simple du Dévonien (-250 million d’années) au Dixonien (+150 million d’années) ne me déplairait pas (rire)…

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